Dans le monde culinaire, la cuisine moléculaire est devenue un véritable phénomène qui a fait entrer notre gastronomie classique dans une nouvelle ère. Basses et hautes températures, espumas, gelées et autres effets visuels surprenants font appel à des techniques innovantes et redéfinissent la façon dont nous appréhendons les saveurs et les textures.
Sommaire
Les origines de la cuisine moléculaire
La cuisine moléculaire n’est pas si récente qu’on pourrait le croire. Ses premières expériences remontent en réalité aux années 1960, avec l’apparition de « nouveaux » aliments tels que la margarine ou encore les plats cuisinés pour les astronautes. Le terme « cuisine moléculaire », quant-à-lui, est introduit par le physicien français Hervé This en collaboration avec le physico-chimiste britannique Nicholas Kurti en 1988. Ils ont commencé à appliquer les lois de la physique et de la chimie à la gastronomie, donnant naissance à toute une discipline d’études et d’expérimentations.
Aujourd’hui, cette science s’est élevée au rang d’un art grâce notamment aux grands chefs comme Pierre Gagnaire, Ferran Adrià, Joël Robuchon et Jean-François Piège. Tandis que les restaurants étoilés sont nombreux à proposer des créations autour de la cuisine moléculaire, on peut également trouver des ateliers proposés par des chefs ou encore des sources d’inspiration en ligne, à l’image de Caneyllegourmandises.
Les techniques et le matériel utilisés en cuisine moléculaire
La cuisine moléculaire utilise une large gamme de processus et d’appareils issus de la physique et de la chimie pour transformer les aliments. Voici quelques exemples :
- Sphérification : cette technique consiste à encapsuler un liquide dans une fine enveloppe gelée.
- Gélification : elle permet de créer des textures très diverses, allant du solide au semi-liquide, grâce à l’ajout de gélifiants naturels comme l’agar-agar, le carraghénane, etc.
- Émulsification : cette méthode vise à mélanger intimement deux liquides qui ne se mélangent pas naturellement (comme l’eau et l’huile) pour obtenir une émulsion stable.
- Cuisson sous-vide : elle se fait à basse température, sans oxygène, pour préserver les saveurs, les couleurs et les nutriments contenus dans les aliments.
- Azote liquide : il est utilisé pour réaliser des crèmes glacées instantanées ou solidifier rapidement des ingrédients afin de créer des effets surprenants en bouche, comme des billes qui explosent délicatement.
Le siphon culinaire et les espumas
L’un des objets emblématiques de la cuisine moléculaire est le siphon, initialement utilisé pour réaliser des crèmes chantilly. Grâce à cet appareil qui injecte du gaz (d’ordinaire, du dioxyde d’azote) sous pression dans une préparation liquide ou semi-liquide, on obtient des espumas, des mousses aériennes à base de légumes, fruits, viandes et poissons.
Le thermomètre infrarouge
Un autre outil indispensable en cuisine moléculaire est le thermomètre infrarouge, qui permet de mesurer avec précision la température des ingrédients et des plats sans les toucher ni les percer. Ceci est particulièrement utile pour suivre des cuissons basse température.
Des recettes originales et surprenantes
Grâce à ces techniques novatrices et aux compétences créatives des chefs, la cuisine moléculaire offre des expériences gustatives uniques. Voici quelques exemples de recettes issues de ce courant :
- Ravioli sphérique au foie gras : une sphère translucide renfermant une délicieuse mousse de foie gras crémeux, qui éclate en bouche et libère toutes ses saveurs.
- Crème brûlée à l’anis : parfumée à l’essence naturelle d’anis étoilé, cette crème brûlée est revisitée avec une texture aérienne et légère grâce au siphon.
- Faux caviar d’algues : utilisant la technique de la sphérification, ces perles de gelée imitent la forme et la texture du caviar mais sont réalisées à partir de jus d’algues et d’eau salée.
- Chocolat « fumant » : enrobé dans un nuage de fumée créé par l’utilisation de l’azote liquide, ce dessert se révèle être une expérience sensorielle inédite conjuguée aux plaisirs des papilles.
L’impact sur la gastronomie et les critiques
La cuisine moléculaire a incontestablement bouleversé le monde culinaire et a changé notre vision de la gastronomie. Les chefs qui l’adoptent cherchent constamment à repousser les limites pour offrir de nouvelles expériences gustatives à leurs clients. Si certains observateurs célèbrent l’inventivité et l’audace dont font preuve les artisans de cette tendance, d’autres y voient une perte de connexion avec les traditions culinaires et accusent ses pratiquants de privilégier l’esthétique et le spectacle au détriment du goût.
Innovation vs tradition
Certains chefs, comme Alain Ducasse ou Paul Bocuse, considèrent que la cuisine moléculaire va trop loin et éloigne les gastronomes de la véritable essence de la cuisine française, basée sur la qualité des ingrédients et l’expertise des techniques traditionnelles. Ils estiment que cette nouvelle cuisine manque parfois de saveur et privilégie la mise en scène au détriment du palais.
Une prise de risques récompensée
Cependant, il ne fait aucun doute que les chefs de file de la cuisine moléculaire ont réussi à marquer leur époque et à créer un engouement pour leurs créations. Certains établissements tels qu’El Bulli de Ferran Adrià en Espagne ou The Fat Duck de Heston Blumenthal au Royaume-Uni ont été couronnés de multiples étoiles dans le classement international Michelin et sont mondialement reconnus pour leurs innovations culinaires. Ainsi, malgré les critiques, la cuisine moléculaire s’est imposée comme un véritable courant qui continue d’évoluer et de fasciner.